Josselin a répondu à quelques questions pour le fanzine Groupie. Ca parle de Taulard et de notre dernier album.
Pour se le procurer : languependue.com
1.Comment vas-tu après cette période
de confinement ? As-tu composé durant cette période ? Est-ce que
cette période a chamboulé des plans (concerts, tournée) ?
Salut, ça va bien. Pendant le
confinement, je n'ai quasiment pas fait de musique. J'ai fait
d'autres trucs, j'ai passé du temps dans le jardin, à préparer le
potager. Notre tournée a été annulée, on devait jouer à Paris
puis la Bretagne, longer la côte jusqu'à Bordeaux, puis Béziers et
finir à Marseille. On fait tous les ans une tournée d'une semaine
et ça nous a manqué de ne pas partir. maj : C'est maintenant
novembre et j'ai tardé à t'envoyer ces réponses. J'ai depuis écrit
pour archet cassé une chanson sur le confinement, je dois
l'enregistrer cette semaine.
2. Votre album de Taulard, sorti
pendant cette période, était une véritable bouffée d’oxygène,
est-tu quelqu’un qui vit dehors, as-tu besoin de marcher en
montagne, à la campagne ? Il y a souvent cette thématique dans tes
chansons ?
Oui j'aime bien marcher en montagne. Je
le faisais dans le Diois quand j'étais gosse avec mes parents et je
continue de le faire maintenant autour de Grenoble. Je vais souvent
dans le Vercors et depuis que j'ai une caisse, je tire plus loin dans
les Écrins. C'est un truc facile à faire ici, il y a des sentiers
qui démarrent à dix minutes de chez moi. Je parle de ça dans la
chanson « les hauts plateaux », le fait de partir marcher
quand la ville te fatigue. Pour ce qui est de vivre dehors, j'ai
passé beaucoup de temps dans le jardin pendant le confinement.
J'habite dans une maison depuis quelques années et je pourrais
difficilement retourner vivre en appart. Ce qui ne m'empêche pas de
passer comme tout le monde beaucoup de temps devant l'ordi.
3. Quand et comment écris-tu tes
textes ?
J'écris mes textes à mon bureau après
avoir amassé suffisamment d'idées. J'ai toujours un cahier dans mon
sac que je remplis de notes, ensuite je les rassemble et je travaille
le texte dans ma chambre.
4. Est-ce un processus qui est
déconnecté à celui de la composition ?
Ca vient généralement après. Le plus
souvent, je trouve la musique, j'ai la structure de la chanson, puis
je m'attaque aux paroles en faisant en sorte que le texte rentre dans
la carrure. De temps en temps ça se passe autrement, je vais
commencer à chanter une phrase qui sonne bien, puis je trouve au
clavier les accords qui l'accompagnent.
5. Comment fonctionne Taulard ? Quel
est le rôle de chacun dans le groupe? Comment vous répartissez-vous
les tâches? Peux-tu nous présenter les autres membres?
Jusqu'à récemment, je trouvais les
parties synthé et les lignes de basse tout seul dans ma chambre puis
je les montrais à Nico et Jérôme en répét. Chacun apprenait sa
partie et on montait les chansons de cette façon. J'avais également
une idée précise de ce que devait jouer la batterie. Sur l'album
Dans la plaine, ça a changé. Sur certaines chansons, c'est arrivé
que je donne uniquement les accords de synthé à Nico et qu'il
construise lui-même ses parties, ou bien que Jérôme trouve
lui-même sa ligne de basse. Pour la chanson Les hauts plateaux, je
suis venu avec quelques éléments, la basse, la tenue dans l'aigu,
puis on a construit la chanson ensemble. On a mis quasiment un an à
monter cette chanson, à trouver des éléments qui la rendent
intéressante, à la manier et à la faire évoluer jusqu'à ce
qu'elle nous plaise. C'était long mais c'était chouette de
fonctionner différemment. Pour les présentations, Nico synthé
travaille à la fac et a une jolie voix de basse, Nico batterie a
suivi une formation technique du son et espère un jour gagner son
pain avec, et Jérôme est un furieux de la basse, mais en ce moment
il vit sur un bateau loin de nous.
6. Tu as une façon de chanter assez
atypique, on dirait que tu pousses jusqu’à être à bout de
souffle. Quand as-tu eu envie de chanter ?
Je pousse parce que je ne sais pas
chanter ! J'ai appris quelques astuces pour éviter de m'abîmer
la voix, mais je tends à les oublier une fois sur scène. C'était
ma grande crainte quand on est parti deux semaines en 2015, de ne pas
tenir le coup toute la tournée, finir aphone avant la fin. Je l'ai
vu se produire chez certains groupes, c'est super frustrant. J'ai
donc amassé tout un tas de remèdes, sirop des chantres, spray
propolis, thym, miel, citron, j'ai couvert ma gorge, moins parlé que
d'habitude et ça a tenu ! J'ai commencé à chanter autour
de 2008. Je faisais principalement de la contrebasse mais cette
pratique me fatiguait : problème d'archet, le bois qui bouge,
difficultés de jouer, réparations onéreuses. J'avais besoin de
faire autre chose, de moins me prendre la tête. Je me suis donc
acheté un synthé et ça m'a donné envie d'écrire des chansons, et
de m'exprimer sur les choses que j'avais vécues et qui continuaient
à me tarauder.
7. Qu’est-ce qui préside à ton
implication dans un projet, Yves Bernard, ton projet solo, Taulard ?
Quand tu écris, sais-tu a priori pour quel groupe tu écris ou
écris-tu de façon semblable ?
Touts les chansons que j'ai apportées
au début d'Yves Bernard étaient des brouillons que je ne me voyais
pas jouer avec Taulard. Souvent avec Taulard c'est plus complexe :
dès fois on module dans une autre tonalité, des fois ou utilise un
accord chelou, alors que l'idée en commençant Yves Bernard était
de jouer des chansons faciles à mettre en place et de chanter des
trucs marrants. Maintenant que j'ai épuisé tous mes brouillons, ça
arrive qu'on commence une nouvelle chanson avec un groupe et que je
me rende compte qu'elle serait mieux pour un autre. C'est arrivé
dernièrement avec ma chanson sur le confinement, on l'a essayée
avec Yves Bernard, mais c'était plus convaincant avec archet cassé.
8. Est-ce que ton rôle dans YB est une
façon de décompresser de ta position frontale dans Taulard ?
Oui Yves Bernard me fout moins la
pression : c'est confortable d'être trois sur le même plan à
chanter à l'unisson, il y en a toujours un pour rattraper l'autre,
du coup j'ai moins peur de me tromper dans les paroles, et le
registre un peu débile fait que je prends la chose plus à la
légère.
9. Quand je vous ai vus à Nantes, un
peu par hasard, j’ai eu une vraie illumination dans le sens où je
retrouvais quelque chose de la simplicité de la musique : danser –
l’énergie, ressentir – ce que tu dégageais, écouter – tes
textes, le sens. Est-ce que cet équilibre veut dire quelque chose
pour toi ?
C'est à l'image de ce que je fais sur
scène, exprimer des choses qui peuvent êtres compliquées tout en
dansant. C'est un retour qu'on nous fait souvent, qu'il y a quelque
chose de chouette dans le fait de se retrouver dans les paroles, de
s'identifier, tout en profitant de l’énergie, de bouger et danser
et ainsi vivre un moment intéressant, voir exaltant.
10. Tu as raconté que tu étais
destiné à être prof ou instit, mais que l’appel du large a été
plus fort, le large de la société. Comment te sens tu dans notre
société actuelle ? Il y a quelque chose de politique chez toi, mais
plutôt dans le non-dit, dans l’implicite plutôt que l’explicite,
est-ce que l’engagement est important pour toi ?
Je trouve la société actuelle
merdique et la période actuelle particulièrement anxiogène.
L'hypocrisie de ceux qui dirigent est répugnante, les gens se font
traiter de collabos après avoir participé à une manifestation
antiraciste contre l'islamophobie, la liberté d'expression est à
géométrie variable, adulée pour justifier le racisme mais réprimée
quand elle dénonce Macron et les violences policières. Rajouté à
ça le Covid qui nous a isolés, c'est difficile de ne pas déprimer. Plus personnellement, et comme je le
dis dans une chanson, j'ai le sentiment d'avoir été formaté, par
mon éducation, par l'école ; et malgré l'envie de vivre en dehors
de la société actuelle marchande et mes quelques tentatives, il
m'est difficile de sortir de ce formatage et de cette injonction à
réussir, à trouver un taf et à faire quelque chose de ma vie.
C'est ce qui me pousse à m'inscrire à des formations dans
lesquelles je me sens moyennement à l'aise, mais c'est aussi ce qui
me fait détester les lundis quand je suis au chômage à la maison
et que j'ai l'impression de tourner en rond. C'est un équilibre qui
est difficile à trouver et j'ai encore deux, trois trucs à cerner
pour l'obtenir. J'ai démissionné il y a quelques
années de l'éducation nationale parce que d'une part je n'étais
pas convaincu parce que je faisais, d'autre part, on me demandait de
déménager en Essonne et c'était l'injonction de trop qui ne
faisait aucun sens, celle de privilégier le boulot à la santé
mentale, à la vie sociale, aux efforts fournis à se construire
quelque part.
11. Quel est ton rapport à
l’instrument, toi qui chante souvent, tu joues du clavier souvent,
depuis longtemps ? Sur quel instrument joues-tu chez toi ?
Je joue de la contrebasse.
J'avais arrêté pendant un moment mais j'ai repris il y a deux ans
les cours au conservatoire. Cette pratique me permet de continuer à
apprendre sur le plan musical, et même si je suis conscient que ce
n'est plus vraiment mon monde, je prends tout ce qui a à prendre, et
ça me va bien ainsi. À part ça, je joue de la basse électrique,
un peu de guitare et de saxophone et du synthé chez moi pour mes
compos. J'aime bien cet instrument car il me permet de jouer les
accords et la mélodie en même temps, c'est idéal.
12. On dirait que tout est accessoire
pour toi dans le monde de la musique, labels, médias, ça ne semble
pas t’intéresser, je me suis même posé la question de
t’interviewer, de t’embêter avec mes questions, comment vois-tu
le cirque du métier, les médias, les labels, les tourneurs…?
Tout ça m'est étranger. On a notre
propre réseau, et j'ai l'impression qu'on se débrouille bien comme
ça, à sortir nous-mêmes nos disques, à organiser nos propres
tournées. J'apprécie énormément déléguer certaines tâches à
des personnes proches compétentes, notamment tout ce qui est
enregistrement, mixage, visuels, mise en page de l'insert. On est
entouré de personnes inspirantes et créatives.